mardi 26 juillet 2011

Souvenirs, Souvenirs n°3

 


ROCK AND ROLL. ( Les Années 60 ) 


   West Side Story…Fin…Les lumières de la salle du cinéma le « Star » se rallument. Chaque fois, à ce même instant, je ressens  la sensation étrange de quitter un univers pour en pénétrer un autre. Je me sens en instance. D’ailleurs, il doit en être de même pour les autres spectateurs car le plus souvent, dans la pénombre blafarde de la salle, ils sont très peu à reprendre la parole aussitôt la fin du film. La plupart du temps ce n’est qu’à la sortie du cinéma que les langues se délient et que les commentaires commencent. Certains sont à la recherche de leur clés de voiture…fouillent dans leurs poches, inquiets, et demandent à leur conjoint : « Tu sais où on est garé ? »

   Mes potes et moi sommes sortis, ainsi, sans dire un mot. Soudain, je ne sais plus aujourd’hui lequel lança : « Les Sharks, c’est chouette comme nom pour un groupe de rock. Non ? ». Silence… Puis, face à cette idée de génie, proche de l’intime conviction, toute la bande acquiesça.

   Sauf que, et le problème était de taille, personne n’avait de guitare électrique. Je ne possédais qu’une simple guitare sèche italienne de marque Eko qui sonnait comme un banjo et mon pote Sam’s n’en avait pas.






   En cette période de l’année, avait lieu une grande fête foraine avec, entre autre, des stands de loterie. Dans l’un d’entre eux, il y avait à gagner une superbe guitare nacrée et pailletée. Sam’s en rêvait jour et nuit… Si bien que tous les jours il se rendait à ce stand et tentait sa chance en achetant de petits billets enroulés et tenus par un bracelet de papier à la façon d’un rond de serviette. Hélas, il ne gagnait jamais. Jusqu’au jour où le forain, dépité de voir la déveine du Sam’s, lui demanda de venir avec son père. Ce qui fut fait. Le forain expliqua à Papa Sam’s que son fils avait dépensé en tickets largement le prix de la guitare et que moyennant un complément il serait prêt à la céder. Papa Sam’s ne comprit pas tout mais, voulant faire plaisir à son fils, versa la somme prévue.
   C’est ainsi, que Sam’s rentra chez lui la guitare sur l’épaule.



   Très vite Sam’s assimila que, sans ampli, sa guitare ne sonnait pas très rock and roll. Heureusement, ses parents avaient comme cela se faisait encore dans les années 60, une radio à lampes. Nous avons donc ausculté l’appareil sous tous les angles et découvert qu’il y avait à l’arrière une prise pick-up. C’est ainsi, que le cœur haletant nous avons, avec une grande témérité, branché la guitare. Ouais ! ...Ca fonctionne et du feu de Dieu…Accordage de l’instrument… et voilà le Sam’s qui se lance dans une intro style Shadows plaquant avec rage un super accord de Mi tout en actionnant le vibrato avec la hargne sauvage d’un futur rockeur. Bilan de l’opération : deux cordes cassées et point de rechange. Bof !...mais on a bien rigolé.   


   Les jours suivants, toute la bande s’est réunie pour échafauder mille projets et penser à d’éventuels copains « d’un copain qui a un copain » qui joue de la guitare ou de la batterie.Tous les potes de la bande s’investirent, même ceux qui ne voulaient pas spécialement faire partie des Sharks. Nous avions déjà, en quelque sorte, notre fan-club.
   Pour ma part, ne pouvant avoir ma propre guitare électrique, j’ai contacté un copain qui en avait une. Je savais qu’il n’en jouait pas et j’espérais vraiment qu’il accepte de me la prêter. Après lui avoir interprété quelques morceaux, comme dans une sorte d’audition, admiratif, il accepta. J’en étais très heureux d’autant que sa guitare me plaisait beaucoup : une Framus, type « Hollywood ». Elle était de couleur noire sur les bords et dégradée doré en allant vers le centre. Très années 60. Superbe. (1)








   Les recherches de la bande étant actives et efficaces; deux potes nous ont alors rejoints. Gégé à la batterie et Chris à la guitare. A l’époque, les batteurs avaient des sets de batterie sommaires formés d’une caisse claire et d’une pédale charleston. C’était le cas pour Gégé qui avait une super caisse claire de marque Ludwig. Plus tard, il s’équipera d’un tom basse.

   Quant à Chris, Il était le mieux équipé : guitare Roger et ampli à lampes Stimer. Sa guitare était plein bois. Elle pesait une tonne et, malgré une courroie molletonnée, blessait l’épaule en peu de temps. Mais le plaisir de faire de la musique primait le tout.



   Pour le moment, Sam’s ne souhaite pas encore rejoindre le groupe car il ne se sent pas prêt dit-il. Le groupe des Sharks sera donc composé de trois membres : Gégé à la batterie, Chris à la guitare solo et moi à la guitare d’accompagnement. Nous avons établi une liste de morceaux à mettre en place et nous sommes mis à répéter jeudis, samedis et dimanches. Nos progrès nous encourageaient et nous donnaient l’envie de poursuivre nos efforts. Nous avions tellement plaisir à jouer de la musique que les répétitions nous paraissaient trop courtes.

Petit à petit, nos principaux morceaux étaient au point : « The Rumble, Drifting des Shadows », « Caravan, Pipe line des Ventures » et « All I Have To Do Is Dream » que la miss à couettes Sheila interprétait sous le titre : « Pendant les vacances ». Et puis nous aimions beaucoup improviser sur des tempos sans titre de rock ou de blues. Cela nous valait d’animer quelques surboums ou d’attirer quelques admiratrices (tout compte fait pas tant que cela) pendant les répétitions.

   Puis, Chris a cessé de faire partie du groupe car, très bon musicien, il a préféré faire partie d’un orchestre de bal. Il ne pouvait pas se consacrer à deux orchestres.

   Cette mauvaise nouvelle nous a complètement anéantis et nous sommes restés quelques temps sans faire de musique. En fait, chacun d’entre nous, dans son coin, espérait que les Sharks se reforment. Sam’s se sentant prêt, s’est enfin manifesté en compagnie d’un chanteur prénommé James. Tout naturellement, le groupe s’est appelé :«James et les Sharks». Je suis fier aujourd’hui de posséder de Jacky Moulière (2) une photo dédicacée à l’attention de « James et les Sharks ».





   Entre temps, Sam’s s’est payé une autre guitare, une italienne de marque Welson de couleur veinée caramel. (3)



   Sam’s me prêtait volontiers sa nouvelle guitare et un ami qui avait un magasin de musique me prêta un ampli à lampes de marque RV avec réverbération et trémolo. Cet ampli avait un son inégalé, chaud et ample avec, lorsqu’on poussait le volume du son, une saturation de toute beauté, très rock and roll. Malgré l’arrivée et l’invasion du transistor et autres simulateurs d’amplis, une telle sonorité est devenue rarissime.



   Les nouveaux Sharks étaient formés, composés de James au chant, Gégé à la batterie, Sam’s à la guitare d’accompagnement et moi à la guitare solo. L’arrivée d’un chanteur nous imposa un nouveau répertoire : « Last Night des Mar-Keys », « Rien que huit jours et le Pénitencier de Johnny Hallyday », « J’avais deux amis d’Eddy Mitchell », « The Train des Sunlights et The Gun was loaded des Golden Stars ».

   Les Sharks se sont produits dans plusieurs kermesses, fêtes de comité d’entreprises… La musique commençait vraiment à trop nous accaparer et nous avons arrêté sous la pression de nos parents qui souhaitaient que nous nous consacrions davantage à nos études. De temps à autre, nous nous retrouvions pour jouer à l’occasion de quelques boums, puis finalement tout s’arrêta.

   Aujourd’hui, je me demande bien ce que sont devenus : Sam’s, Gégé, Chris et James perdus de vue, chacun ayant pris, dans la vie, une voie différente. Service militaire et mariage ne facilitent d’ailleurs pas toujours le maintien de camaraderies adolescentes.

   Cependant, j’ai gardé en moi une profonde passion pour le rock and roll et pour la musique en général.



(1) Particularité, elle n’avait qu’un seul micro qui coulissait du haut du manche vers le bas du chevalet et permettait ainsi, selon la position choisie, d’obtenir des sonorités différentes. Mais, aujourd’hui, d’occasion, elles sont rares et très chères.





(2) Jacky Moulière, poulain de Henry Salvador, a enregistré plusieurs disques sous le label des Disques Salvador. Dans les années 60 il a connu un certain succès avec des titres comme : A deux pas d’un ange, Jacky la guitare, Alice du pays bleu, Commande baby, Valérie, Lam’Di’Lam etc…



(3) Les fabricants italiens d’instruments étaient, avant le raz de marée yé-yé des années 60, des fabricants d’accordéons. C’est donc tout naturellement qu’ils utilisèrent les mêmes matériaux pour fabriquer leurs premières guitares électriques : plastiques veinés, pailletés, imitant l’écaille ou la nacre … D’où le côté kitsch de ces instruments.    





jeudi 21 juillet 2011

Souvenirs, Souvenirs n°2




  Si, pour certains, le mois de Mai leur rappelle le temps des cerises, pour moi il me rappelle le temps de la Foire Exposition. Dans ma ville natale, juste devant chez moi, il y avait une très grande place sur laquelle se déroulaient toutes les grandes manifestations: troupes de funambules, cirques, fêtes foraines, podiums Europe 1 et aussi foires-expositions.
  Aujourd’hui, comme dans beaucoup de villes, cet endroit est devenu un vaste parking que l'on dit très mal fréquenté. Ce qu’il n’était pas durant ma jeunesse.
  Pendant la foire exposition, toute la place était barricadée avec de grands panneaux faits de planches en bois formant ainsi une enceinte.
  Avec mon amie d’enfance Zaza - nous habitions le même immeuble - nous attendions l’ouverture de cette foire avec impatience. En effet, durant quelques années de notre prime jeunesse et afin d’égayer un peu la morosité dominicale d’une ville moyenne de province nous avons, à cette occasion, lancé des opérations commando.
  Dès que nos emplois du temps scolaires nous libéraient, nous partions à l’assaut de tous les stands et ce, sans exception. Tous les prospectus, dépliants ou autres catalogues ainsi que brochures qui passaient à portée de nos mains étaient capturés avec férocité.
  A la fin de la journée, notre raid achevé, nous étions alors en possession d’un volumineux butin. Mais, avant de rentrer chez nous, il nous restait deux missions d’importance à accomplir: rendre visite aux robots musiciens et à la Féerie des Eaux. 

   
  Les robots musiciens se trouvaient enfermés dans une salle, dans le noir, éclairés seulement par quelques projecteurs de couleurs et de lumière noire. Cette ambiance bizarre, rajoutée à l’aspect étrange de ces robots métalliques et mécaniques, nous inquiétait un peu. Alors, ils se mettaient à jouer une musique de nulle part assaillis de gestes syncopés et cliquetants. Puis…Ouf !...Fin de la représentation.

  A présent, direction les jets d’eau. 


  Là, dans une grande salle, une fois les lumières éteintes, retentissait, par une sono saturée et tonitruante , le fameux : «Lac des Cygnes » - morceau d’anthologie sur lequel toutes les petites filles en tutu rose du monde se sont essayées à la danse dite classique sous le regard émerveillé et envieux de leur mère et grand-mère. A l’instant précis où retentissait la musique, des jets d’eau jaillissaient avec force et majesté en suivant les inflexions de la musique tout en changeant de couleurs. Suivirent d’autres morceaux musicaux du même style, les jets d’eau essayant d’attraper le bon tempo tout en changeant de formes et de couleurs. Puis…Ouf !... Fin de la représentation.

  Ces deux spectacles, plutôt kitsch, avalés, nous rentrions en toute hâte chez nous car un travail important et délicat nous attendait. Il nous fallait trier et classer par thèmes nos trophées de chasse et, si besoin, retirer les doublons que nous pouvions alors nous échanger. Enfin, nous commencions à jouer au marchand. Nous étions multicarte. Nous vendions de tout : des voyages, des maisons, des bestiaux, du matériel agricole…Vous riez ? Soit.

  Il n’empêche que cela nous a occupés pendant bien des week-ends maussades, car en ce temps-là : point de télévision.


Souvenirs, Souvenirs n°1

    
  Fête Foraine – Hiver 1958

   En 1958, j’avais 10 ans. Noël approchait et comme tous les ans en cette période, une immense fête foraine s’installait dans ma ville natale, place de la République. Cette place était sur le trajet qui mène de l’école primaire à chez moi. Juste un bref détour et je me trouvais au milieu des flonflons de la fête.
  Curieusement, ce n’était pas les manèges qui m’attiraient le plus mais une grande baraque pleine de machines à sous.


  Toutes étaient anciennes, vieillottes et délabrées.  A l’intérieur de la baraque : surtout des flippers. A l’extérieur, de vieux baby-foots dont le pied des figurines était totalement brouté par l’usure. Ainsi, avec certaines, il était impossible de bloquer la balle et de shooter. J’apprendrai plus tard que tous ces appareils avaient été récupérés dans des bases militaires américaines. 

    
  Il y avait aussi, des tirs à l’ours. Je n’ai jamais revu de tels jeux. Un petit ours articulé se déplaçait dans un décor derrière une vitrine. L’animal avait, sur toutes ses faces, des capteurs : petits cercles en verre. Le fusil qui servait à le combattre émettait un rayon lumineux qui, s’il atteignait le capteur, faisait se dresser l’ours qui changeait alors de direction en grognant. Chaque touche donnait ainsi des points pour une éventuelle partie gratuite.
  Il régnait dans cet endroit un bruit infernal: les bumpers des flippers, les compteurs de points, les joueurs qui brutalisaient l’engin après un tilt cinglant, les joueurs de baby-foots qui hurlaient après une marque contestée, puis les grognements des fameux ours… Et, par-dessus tout çà, un immense juke-box qui jouait à fond des tubes venus d’Amérique.


   C’est plus tard que j’ai pris conscience, qu’en fait, c’était cette musique qui m’attirait tant. Aujourd’hui, je me souviens de quelques titres entendus : « Diana et You are my destiny » de Paul ANKA, « Only You et The Great Pretender » des Platters et puis surtout : « Rock Around The Clock » de Bill HALEY.


  Alors que sur Paris-Inter, en 1958, on entendait….
  Mais c’est un autre épisode. A suivre...